Une autre justice - état des lieux
Une autre justice - état des lieux
Le système de justice actuel ne me convient pas
Notamment dans son traitement des victimes
Je pense qu’un autre système est possible
Dans cet article, j’essaye de décrire ce que je comprends du système actuel et ses limites
Par “système de justice”, je décris l’ensemble des acteurs financés directement ou majoritairement par l’État (Ministère et collectivités territoriales). Ces acteurs forment l’expérience des victimes et auteurs d’injustices
⚠️ Avertissement de contenu : dans cet article, je vais parler de manière assez directe de violences entre personnes, notamment de violences sexuelles
Résumé de Contrapoint - histoire de notre système de justice
Contrapoint a fait une vidéo (en anglais) qui a l’air d’avoir fait l’objet de beaucoup de recherches, donc je vais me reposer dessus :
(avertissement de contenu : images de violences physique, mentions de violences physiques, mentions de plein de sortes de crimes entre personnes)
Je conseille de regarder/écouter la vidéo pour la suite et je fais un petit résumé pour les personnes qui ne regarderont pas :
En résumé, la vidéo suggère que l’histoire de notre système de justice commence dans d’autres sociétés par un système d’honneur. Dans des sociétés précédentes (comme la Grèce Antique décrite dans l’Odyssée), il n’y a pas de système de justice organisé, c’est l’honneur qui fait office de système de justice. Un homme doit “défendre son honneur” et parfois tuer d’autres personnes qui ne respectent pas son honneur. Un système basé sur la vengeance. La vengeance est un mécanisme biologique, cognitif qui serait spontanné chez les individus humains et chez d’autres espèces. “On m’a fait mal, alors je fais mal en retour”
Puis les États viennent interdire la justice auto-organisée (“Nul ne peut se faire justice lui-même”) organiser un système de justice en mettant en place des lois qui expliquent que pour tel crime, il y aura telle punition, c’est la justice rétributive. Ce système est mis en place notamment pour satisfaire la pulsion de vengeance, tout en prévenant la partie bain de sang. Ça enlève la décision individuelle de quelle punition infliger pour aller vers de la proportionnalité dans la punition (“œil pour œil, dent pour dent”). Il y a une forme de vengeance, mais elle est organisée par l’État et pas par les individus entre eux
Enfin, nos systèmes de justice actuels seraient d’un courant utilitariste. En gros, la punition infligée est censée jouer un rôle utile (éloigner le coupable du reste de la société pour en maintenir la sécurité, prévenir la récidive à la sortie, servir d’exemples pour d’autres personnes que ce crime est puni, etc.) et pas seulement une punition “œil pour œil, dent pour dent”
Même si la version utilitariste est celle qui est présentée, on est resté sur un vocabulaire de “justice pénale”, de “code de procédure pénale” et “pénal”, ça vient du mot “peine”. Le but d’une justice pénale, c’est d’infliger une peine, la partie “utile” n’est, sémantiquement, pas obligatoire
Limites du système actuel
Un système de justice étatique part de lois qui décrivent des situations dans la réalité que nous partageons. Pour savoir si une des lois a été transgressée, il est nécessaire d’étudier une situation pour comprendre si la loi a été baffouée. Sinon, le risque, c’est de punir à tort des personnes !
Le système de justice a le droit de punir et de frapper fort son marteau sur une personne coupable, mais sa légitimité vient de la confiance que les personnes ont dans le fait que le marteau “frappe juste”. S’il frappe fort une personne innocente, ça devient très gênant pour l’entierté du système
Il y a toute une procédure. On interroge des personnes, on vérifie si les récits sont convergents, on cherche des preuves matérielles via la saisie d’objets, la prise de photos, la prise d’ADN, via les vidéos de surveillance, etc.
Tout ça parce que le système de justice a peur de se tromper
Cette peur créé, par conséquent, une zone d’injustice
Je spoile la fin de ce sketch (en anglais) qui illustre très bien le problème :
Une personne (Guy) se fait voler son chapeau, le Voleur accepte de discuter avec une autre personne qui joue le rôle de Juge. Le Juge menace le Voleur d’aller en prison, il répond qu’il rend le chapeau. Tout le monde a l’air content avec ce système et le sketch se termine sur cet échange :
(Juge) : “donc tu ne peux plus faire des choses méchantes désormais, monsieur !”
(Voleur) : “… ou alors je peux continuer à faire des choses méchantes et m’assurer que vous ne les découvrirez pas”
(Juge, hébété) : “oh… je crois que tu as trouvé une faille dans le système”
(Guy) : “oh… je crois qu’on vient de créer un nouveau problème”
Cet échange met en lumière un angle mort de notre système de justice : il est sans réponse quand la situation ne fait pas partie des circonstances qu’il sait gérer
Je vais essayer de verbaliser un non-dit commun de notre système de justice. Un “classement sans suite”, un “non-lieu”, ce sont les manières pour la justice de dire :
j’ai bien entendu ton besoin de justice, et j’ai peur de me tromper, donc je ne peux rien faire pour toi. Et aussi, ne reviens pas vers moi tant que tu n’as pas des éléments qui me permettent d’enlever ma peur
Résumé et conclusion
Si je résume l’histoire de notre système de justice organisé par l’État, ça donne un truc comme ça :
- les systèmes de justice non-organisés, basé sur l’honneur, ça donnait des bains de sang multi-générationnels
- donc l’État, dans un même mouvement, interdit de se faire justice soi-même et va prendre en charge l’organisation d’un système de justice qui permet de punir sans bain de sang
- mais l’État, pour créer et maintenir la confiance dans son système, s’oblige à a) être “neutre” b) ne pas punir en cas de doute
Avec une justice “neutre” organisée par l’État,
on a perdu les bains de sang
et on a perdu aussi le sentiment de justice chez plein de victimes qui tombent dans le cas “le système de justice a peur de se tromper”
Est-ce qu’on peut créer un autre système de justice où personne n’est laissé pour compte et où on continue d’éviter les bains de sang ?
Mon point de départ pour cette question, c’est de savoir ce qu’attendent les victimes
À cet effet, ma prochaine étape est d’analyser une série d’articles publiés sur Slate. Il s’agit du récit d’une femme victime de viol qui raconte en détail notamment ses interactions avec le système de justice