Essayer de rentrer dans le monde de la justice restaurative en France
Essayer de rentrer dans le monde de la justice restaurative en France
À un moment, je me suis dis naïvement que ptèt que beaucoup de choses que je faisais au quotidien c’était une forme de travail de justice. Et donc, ptèt ça valait le coup que je tente de découvrir ce monde de la justice restaurative qui propose une alternative à la justice punitive
Je suis rentré optimiste, je suis ressorti atterré
Je vais raconter une expérience qui est la mienne, qui est partielle et biaisée
Mon expérience a eu lieu en 2021 et donc, des choses ont du changer depuis. Et d’autres sont sûrement restées identiques
La justice restaurativeen France : l’IFJR en proue
Quand on cherche la justice restaurative en France, il existe plusieurs structures/collectifs, mais le plus visible, c’est l’IFJR (Institut Français pour la Justice Restaurative). L’IFJR fait notamment un travail de lobby auprès de divers gouvernements pour donner une légitimité à la justice restaurative. Ils ont réussi via une poignée d’expérimentations en conditions réelles, via un article du Code de Procédure Pénale qui donne un cadre légal à la justice réstaurative (puis un note ministérielle qui précise un peu ce cadre) et via un nano-budget du Ministère de la Justice dédié au sujet
C’est l’IFJR qui est invitée aux ciné-débats de Je verrai toujours vos visages
Les formations de justice restaurative en France sont données par France Victime et l’ENAP (Établissement Nationale de l’Administration Pénitentière)… mais ces deux structures ne donnent pas directement les formations, elles délèguent… à l’IFJR
La justice restaurative, une affaire de “professionnels”
C’est un élément récurrent de la communication : la justice restaurative est exercée par des “professionnels” “formés”. Et il y a un peu d’ironie dans cette idée pour un champ qui émerge. Qui est un “professionnel” d’un champ inexistant ?
Personne en France n’a d’expérience, il n’existe pas vraiment de champ de pratique, mais il y a des “professionnels”. Les formations sont des enseignements très théoriques (avec du théâtre comme mise en pratique). Cette théorie est extraite de livres de praticiens québécois et belges et des livres académiques de criminologie et victimologie
Mais bon pour pratiquer en France, il faut être formé, alors j’ai décidé de me former !
Et là, première claque, les formations sont rares et il faut attendre ~6 mois pour pouvoir se former. Les formations sont dures à trouver, pas facile de s’inscrire. Il y a un premier module générique et ensuite, il y a un second module par “processus” de justice restaurative. Donc, si on veut faire de la justice restaurative, il faut choisir son processus (ou faire chaque module 2 pour chaque processus que l’on souhaite animer)
On peut pratiquer certains processus dans certaines zones géographiques selon les accords passés entre l’IFJR et les tribunaux (le plus souvent les cours d’appel). Et donc, il est possible de se former à un truc et ne pas pouvoir le pratiquer dans sa région… Vous vouliez participer à la construction d’une alternative à la justice ? Bienvenu dans la complexité admnistrative du système actuel…
Mon inscription a un peu un goût d’accident, de pas-à-sa-place. Les personnes qui s’inscrivent sont normallement des professionnel.les de l’administration pénitencière ou des membres d’associations d’aide aux victimes. Et je ne fais partie d’aucune de ces catégories. Je me forme côté administration pénitencière
Formation M1
Confinement oblige, la première formation a lieu sur Zoom. Nous sommes une vingtaine, 4 hommes, le reste de femmes. Ça dure 2 jours et j’ai l’impression de ne pas apprendre grand chose vu que j’ai déjà lu tout ce que je pouvais trouver sur internet. On rentre quand même un peu dans le concret.
Et je vois des trous dans le discours. On nous explique qu’il faudra adapter notre posture selon le “sexe” de la personne en face. Pas son “genre”, son “sexe”. J’ai l’intuition que la nuance n’est même pas connue du formateur.
Il n’y a aucune mention d’oppression systémique. En justice restaurative, il y a une “victime” et un “auteur”. Il y a le.a professionnel.le. Parfois, il y a des “membres de la communauté”, mais pas de société autour. L’État est garant de la justice, du cadre et est pré-supposé neutre, impartial, sans problèmes posées par les personnes qui le représentent.
La justice restaurative ne s’intéresse à restaurer que quand il s’agit de “justice pénale”. La justice pénale, c’est une nuance strictement juridique qui découpe les problèmes en “pas si grave” et en “vraiment grave”. Et donc, pas de justice restaurative pour des problèmes de droit du travail ou pour des problèmes avec l’administration, par exemple, parce qu’il s’agit de “droit civil” et pas de “droit pénal”
(note : je ne connaissais rien à tout ça avant de rentrer dans le sujet. Je ne suis pas vraiment venu pour apprendre toutes ces choses légales. Mais j’ai découvert qu’elles m’ont aidé à comprendre les insuffisances de la justice actuelle ainsi que celles de la justice restaurative sauce IFJR)